Trois pays pour le prix d'un ! Et combien de chaînes de montagne traversées en 14 jours à la force du mollet et des bâtons de marche ? On ne les compte plus au terme de ce trek proprement grandiose qui, de Munich à Venise, vous fait sauter littéralement par-dessus les montagnes bavaroises, le Tyrol autrichien et les Dolomites italiennes. De la grande randonnée !
Comme journaliste au Québec, spécialisée en plein air (outdoors, comme disent les Français), j'ai fait plusieurs treks de haute montagne (Aconcagua argentin, Ladakh indien, W au Chili, Tour du Mont blanc...) mais celui-ci a un charme particulier.
Penser relier Munich â Venise à pied (enfin presque, avec quelques transferts en train et taxi) frappait déjà mon esprit avide de curiosité. Traverser les Alpes du nord su sud en passant par trois de mes pays européens préférés (l'Allemagne, l'Autriche et l'Italie) aiguisait encore mes bottes de sept lieues...
Voilà, c'était décidé, je partirais en juillet avec un groupe de Grand Angle, à la réputation bien établie, pour un trip de pleine nature, une chevauchée fantastique de massifs alpins.
Ce que je n'avais pas prévu, c'est de tomber amoureuse d'un haut personnage bavarois, puis d'avoir autant de plaisir à écouter les explications botaniques de notre guide Laurent que d'admirer les paysages "traversés".
À la découverte de Louis II l'excentrique
Les premiers jours de notre trek, où culture (locale ou historique) a toujours rimé avec nature, ont été une révélation pour moi: antiroyaliste convaincue, Française républicaine immigrée au Canada sans savoir que ce pays du Commonwealth avait sa reine (celle d'Angleterre), je ne me suis jamais trop intéressée aux familles royales. Voilà qu'un intriguant personnage royal allait me rattraper en foulant à pied les chemins de Bavière.
Scène 1 : sur les hauteurs du château romantique de Neuschwanstein, pour passer du monde de Louis II à celui de Walt Disney qui l'immortalisa dans le conte de La Belle au bois dormant !
Scène 2 : au jour 3, du col de Scheinbergjoch, le groupe descendra dans la vallée de Linderhorf jusqu'au château du même nom. Le petit Versailles du roi de Bavière, doublé d'un pavillon mauresque et d'une grotte artificielle où il aimait se retirer pour écouter des opéras wagnériens, témoignent déjà d'une certaine mégalomanie.
Scène 3 : c'est sur les traces encore de ce roi fou qu'on grimpera jusqu'au refuge de Schachenhaus, à 1866 mètres d'altitude. Il pleut mais il faut toujours écouter son guide quand il vous conseille de ne pas rater une visite... Celle du pavillon de chasse de Louis II, perché sur les hauteurs, donnera sa récompense aux bons élèves ! L'austère rez-de-chaussée dépite au premier abord. On imagine le roi solitaire et noctambule perdu dans de noires pensées. Un étroit escalier en colimaçon mène à un tout autre univers: une pièce aux allures de salon mauresque, avec banquettes de velours rouge et une grande fontaine au centre. C'est dans ce décor faste contrastant complètement avec le reste du pavillon que Louis II passait ses nuits éveillé en écoutant de la musique. Tandis que ses serviteurs dormaient au bâtiment qui nous sert aujourd'hui de superbe refuge...
Coup de coeur pour les Dolomites
De vallée profonde en haut sommet, de balade dans les alpages à d’impressionnants pierriers qu’on traverse en lacets serrés menant à des cols, on passe au final en Italie. J’y découvre cette fameuse chaîne de montagnes des Dolomites qui doit son nom au géologue français Déodat Gratet de Dolomieu. C’est l’apogée du trek : quatre jours de marche avec sac à dos allégé dans un paysage d’aiguilles, anciens récifs coralliens, qui se dressent comme des donjons, tourelles et murailles. Les sommets et cols du Gruppo del Putia sont tous à plus de 2.000 mètres.
C’est avec cette vue panoramique que nous marchons, y compris dans la neige. Au col de la Putia, nous suivons la crête pour descendre vers le refuge Genova. Notre plus longue journée, avec 1100 mètres en montée et presqu’autant en descente, se passe dans un décor grandiose d’alpages, transitant par une nouvelle collection de cols et une vraie sierra.
La dernière soirée au refuge Boé, perché à 2871 mètres d’altitude sous le pic du même nom, sera encore plus magique, surtout au coucher du soleil, avec de fabuleux jeux d’ombres et lumière rasante sur la neige et la montagne. De quoi célébrer la vie avec une grappa à la myrte ! Le lendemain, après la dernière longue descente bucolique jusqu’au lac de Fedaia, nous ferons le compte : 77 heures de marche; 9250 mètres en montée; 8985 mètres en descente. A chacun son double Everest…
Anne Pélouas
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Écrit le 15/08/2015 par :
Anne Pélouas