Brixen, terminus tout le monde descend ! Comme chaque dimanche d’été, une horde d’inconnus attifés de vêtements criards converge vers les bancs situés devant la gare. Les regards se croisent, timides. Tout au plus ose t’on un « vous venez aussi pour le trek avec Grand Angle » ? À 15 h moins une, le guide rapplique gratifiant tout le monde d’un « willkommen in Südtyrol ». Un grand machin souriant, la trentaine à peine entamée et la barbe de celui qui cumule déjà quelques semaines sur les hauteurs. Les présentations faites, nous embarquons dans l’un des bus qui grimpent dans les recoins de ces montagnes au nom de légende. L’engin nous jette la où la route se termine. Le nez en l’air et l’œil curieux, le groupe se met en branle sur la petite piste qui remonte le val di Funes. Ici une escouade de morilles dépasse de la mousse, la un casse noix moucheté croassant comme un diable. Nous sortons la tète du bois pour découvrir un vaste alpage dont la verdure file se briser contre les flancs d’une immense muraille calcaire. Contraste.
Le ton de la semaine est donné.
Un matin brumeux. À peine regardé par la fenêtre que les pessimistes décrètent qu’il va faire moche ouvrant le bal des lamentations. Le guide ne dit mot. Café chaud et confitures maison suffisent à tranquilliser la troupe le temps d’un réveil en douceur. Puis la tête dans ses pensées on s’élance dans le flou blanc. Fraîcheur aidant, le groupe monte à bon train gagnant un poil de luminosité à chaque mètre de dénivelée. Nous sommes déjà bien haut lorsqu’enfin nous sortons de la mer de brume. Piégée entre les montagnes la vapeur s’échappe par vagues par le col du Kreuzkofel, à l’Est. Les aiguilles calcaires qui en émergent n’en sont que plus impressionnantes.
Suivant le balcon du chemin Gunter Messner nous filons vers une première rencontre. Les plus courageux iront même grimper le dénommé Peitlerkofel, profiter d’un panorama à 360° et se mettre un instant dans la peau d’un autre Messner, frère du premier et plus célèbre des alpinistes de la région.
La traversée du groupe de Puez est de ces moments de montagne qui ne laissent personne indifférent. Une forteresse de roc. dont les hauts murs ne montrent a l’assaillant que quelques rares faiblesses. étroites fenêtres et cheminées vertigineuses où l’on se hisse au moyen d’échelles et de câbles métalliques héritières des via ferratas de l’armée transalpine. La récompense, est à la hauteur des efforts consentis. Un pique nique en balcon surplombant de près de 700 mètres le fond du canyon de Vallunga. La « longue vallée », pendant sauvage de la station voisine de Val Gardena célèbre pour ses sculptures en bois et sa piste de descente accueillant chaque année une épreuve de la coupe du monde de ski alpin.
Il faut parfois prendre le temps pour repartir de plus belle. La Fontaine aurait apprécié la morale de notre traversée. En guise de trou normand, une journée contemplative a arpenter le balcon verdoyant qui sépare les groupes de Sella et de Rosengarten. En chemin, de belles laitières fouettent nonchalamment de la queue indifférentes au degré de la pente sur laquelle elles ruminent. Une halte a la fromagerie du Plattkofel histoire de contenter les locavores, et nous continuons paisiblement jusqu’à Tierser Alpl. Pur produit du renouveau touristique du Tyrol du Sud, le refuge élève le confort montagnard a un niveau inédit. Trop pour certains. Reste qu’avec ses grandes baies vitrées et ses volumes généreux l’éco-construction faite de bois et de béton invite à un après-midi au chaud un bouquin entre les mains.
La première fois que j’ai traversé Rosengarten, je me suis imaginé quel opus du Seigneur des anneaux on y tournerait. Une histoire de nains qui creusent la montagne collerait bien a l’ambiance du lieu. La mises en jambes ne laisse rien entrevoir. Une montée dans un paysage lunaire auquel les Dolomites nous ont habitués. Puis sans prévenir, le sentier plonge de prés de 400 mètres dans une improbable cuvette cernée d’écrasantes parois pour immédiatement regrimper sur le versant d’en face vers un second col. Le soleil n’en touchant le fond que quelques instants par jour, l’ensemble donne a celui qui rejoint le refuge du Passo Principe l’impression d’avoir traversé quelque chose de dantesque. Reste alors à se laisser glisser le long du torrent jusqu’aux belles terrasses du vallon de Vajolet, point de vue idéal pour observer les fondus venus varapper sur ce rocher mythique.
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Écrit le 26/11/2019 par :
Johannes Braun
Accompagnateur, reporter et photographe