L'ami Raymond Chabanier - guide et accompagnateur en montagne à Grand Angle - est parti avec l'agence en randonnée guidée de la capitale des Alpes à la cité de Vauban pendant l'été 2021. Retrouvez ci-dessous son récit de voyage illustré, pour voyager au coeur des massifs depuis chez vous. À vos chaussures !
L'idée : une traversée alpine un peu atypique
Cet été 2021 s’annonçait décidément bizarre, incertain… notamment pour les grandes traversées transalpines hors de France, ma spécialité estivale habituelle chez Grand Angle.
Alors, pourquoi ne pas concrétiser l’idée qui me trottait dans la tête ; celle d’une traversée alpine atypique, dans les Alpes françaises ? Du beau, mais du costaud. Thomas, le directeur de production Grand Angle, adhère d’emblée au projet : le succès du Tour des Géants lancé 3 ans auparavant a prouvé que ces itinérances alpines exigeantes ont leur public. L’équipe production à Méaudre m’assistera côté mise en œuvre et organisation.
Je voulais un parcours sauvage, difficile, rustique et original. Il se concrétise par deux semaines de randonnée située entre Grenoble et Briançon.
C'est parti !
Cadre, conditions & itinéraire
D’abord le cadre : la première partie se déroule dans les massifs de Belledonne et de l’Oisans, tendance Alpes du nord. La deuxième partie traverse le sud du massif des Écrins jusqu’au Briançonnais, tendance Alpes du sud.
Ensuite les conditions : toutes les nuits sauf deux se passent en refuge, et donc... pas de bagage suiveur ; on porte son sac : un choix voulu et assumé, pour profiter pleinement des hauteurs. Il n’y a aucun transfert de groupe en cours de randonnée, sauf pour relier la vallée de la Romanche au pied du lac de Lauvitel. Ambiance montagne, pas de contrainte de taxi.
Enfin l’itinéraire : le cheminement minutieusement choisi fait la part belle aux échappées hors sentier tracé, et emprunte les variantes sportives des itinéraires classiques, le tout ponctué par trois sommets.
La contrepartie ? Un sac à dos un peu plus lourd que d’habitude et quelques journées bien « pimentées » que l’on n’oubliera pas de sitôt ; mais quel plaisir de vivre pleinement la montagne, quelle expérience !
Ces massifs, je les connais tous ; j’ai toujours rêvé de les enchainer au cours d’une même randonnée. Voilà, c’est fait ! C’était un pari un peu fou, mais réussi grâce à un groupe solide physiquement et mentalement, car cet itinéraire est très exigeant.
Notre parcours au jour le jour... :
Première partie : Alpes du Nord, dans le massif de Belledonne et de l’Oisans
Les deux premières journées dans Belledonne sont relativement faciles quoique longues : paysages bucoliques du Piémont côté vallée du Grésivaudan, suivis d’une ligne de crête panoramique dominant la vallée du Haut Bréda, pour ensuite se hisser dans le paysage minéral des lacs des Sept Laux, lacs où le refuge éponyme est superbement ancré.
Ce sont des retenues de barrages qui ont marqué la vie sociale et économique de la région. Ici débuta en France l’industrie hydroélectrique au 19ème siècle et les réserves d’eau permirent aussi la distribution d’eau potable dans la vallée du Grésivaudan et jusqu’à la ville de Grenoble.
Changement d’ambiance ; l’itinéraire prend maintenant un caractère plus alpin. Le relief vigoureux où le granit est omniprésent offre à nos regards les témoignages imposants des dernières glaciations. Empruntant le tracé du nouveau GR738 qui traverse le massif du nord au sud, nous enchaînons lacs de montagnes, cols sauvages, traversées minérales, prairies verdoyantes, toujours dans une nature riche et somptueuse. Ce tracé est un trait d’union entre les différents alpages du massif où les refuges-bergeries abondent.
C’est aussi pour nous l’occasion de gravir le Pic de la Belle Étoile (2718m) au dessus des lacs des Sept Laux par un itinéraire inédit, totalement hors sentier, nonobstant quelques cairns éparpillés dans le paysage rocheux. L’itinéraire demande attention et effort, mais le panorama à 360° au sommet nous récompense largement !
Au cours de cette première partie du voyage, nous gravissons un autre sommet emblématique de la région : la réputée Croix de Belledonne (2926m), grand classique pour les grenoblois, proche voisin du point culminant du massif : l’acéré Grand Pic de Belledonne (2977m). Si ce sommet est fréquenté, l’itinéraire emprunté dans ce circuit l’est beaucoup moins.
A partir du sublime lac Blanc, la marche demande un effort soutenu, et c’est dans une ambiance haute montagne avec la proximité d’un glacier et des faces nord du Grand Pic et de la Croix de Belledonne que nous atteignons le sauvage et minéral col de Freydane.
Accéder au sommet est ensuite plus facile. La météo du jour nous est vraiment favorable et l’arrivée nous gratifie d’un immense panorama sur les Alpes. Nous sommes heureux.
Le reste est un parcours zigzagant entre les nombreux lacs qui embellissent notre route et font aussi le succès de Belledonne.
C’est à partir du plateau de l’Arselle (secteur réputé pour le ski de fond de la station de Chamrousse, mais surtout espace protégé d’une magnifique et vaste tourbière) que nous quittons ce massif attachant... par le fameux « kilomètre vertical » cher aux trailers : le sentier plonge littéralement (-1100m, aïe les genoux...) dans la vallée de la Romanche et se termine au village de Rioupéroux, où un petit transfert nous attend.
Une vingtaine de minutes en taxi, et nous voici dans la petite ville de montagne de Bourg-d’Oisans. Hôtel confortable, centre-ville agréable et animé, font de cette nuit de transition une étape de récupération qui est la bienvenue.
Bourg-d’Oisans, charmante bourgade à l’esprit montagnard, est idéalement située à la croisée de grands cols alpins réputés des cyclistes : col du Lautaret, le col du Glandon, de la Croix de Fer et de la fameuse montée à l’Alpe d’Huez. La proximité de grandes stations de ski comme les Deux-Alpes, l’Alpe d’Huez, La Grave-La Meige et de nombreux sommets alentours prisés par les alpinistes confortent sa réputation de centre alpin. Bref, nous apprécions cette halte.
Deuxième partie : Alpes du sud, du massif des Écrins jusqu’au Briançonnais
Après une bonne nuit et un court transfert dans la vallée du Vénéon, au hameau de la Danchère, nous voilà repartis, sacs à dos réduits strictement à l’essentiel : l’étape à Bourg nous a permis de « virer » le superflu que l’on croyait encore essentiel le jour 1. C’était sans compter les milliers de mètres de dénivelé déjà avalés les six premiers jours, plus ceux à venir ! Spontanément et dans un même élan, chacun d’entre nous a épuré sa charge.
Nous entrons dans le parc national des Écrins. Notre deuxième partie commence par les superbes lacs du Lauvitel (réserve intégrale dans une large partie autour de celui-ci) et de la Muzelle, tous deux séparés par le col du Vallon, qui demande à forcer sur le mollet (1600m positifs...). Mais quelle vue sur l’Oisans et sa mer de sommets !
Le refuge, posé à proximité du lac et au pied de la Roche de la Muzelle (3465m) nous offre ce soir une belle surprise : un concert ! Les musiciens, tous les trois des locaux, sont venus à pied depuis la vallée du Vénéon avec leurs instruments sur le dos pour nous régaler d’une prestation enjouée et de qualité.
Qu’importe la fatigue de la journée et les dénivelés à venir nous restons jusqu’à la fin du concert pris par l’enthousiasme du groupe La Palessoù.
Les deux journées suivantes sont consacrées au passage de plusieurs cols séparant des vallées profondes : le Valsenestre, le Valjouffrey et le Valgaudemar. Dans cette partie de la randonnée où le schiste domine, les glissades sont à l’affut, en descendant les cols raides et humides de la pluie nocturne, comme par exemple au col de la Muzelle versant Valsenestre...
C’est au col de la Vaurze, entre Valjouffrey et Valgaudemar, que j’ai coutume de dire que nous sommes à la croisée des Alpes du nord et du sud. Changement subtil de climat, d’architecture et de mentalité. L’arrivée au refuge des Souffles en contrebas du col de la Vaurze clôture une journée particulièrement chargée. Il faut dire que nous avons « avalé » deux étapes du Tour de l’Oisans en une seule journée : les jambes s’en rappellent... 2250m de dénivelé positif et 1550m de dénivelé négatif, ouf ! Faire plus, non. Mais Dieu que la bière est bonne après pareille étape !
Nous voici maintenant dans le Valgaudemar, longue et étroite vallée glacière orientée est-ouest. Celle-ci se termine en cul de sac au pied du massif des Bancs (3669m), des Rouies (3586m) et du Sirac (3441m), et est bordée par quelques sommets connus des alpinistes, comme le Pic de l’Olan (3565m). D’ailleurs, nous en profitons pour gravir le Pic Turbat (3028m) planté près de l’austère et imposante face nord de l’Olan.
Accéder à ce sommet se mérite un peu : nous suivons un parcours hors sentier qui nécessite encore une fois effort et concentration. Mais sur sa pointe sommitale, un soupçon aérienne, le Turbat est une belle récompense. La haute montagne nous enveloppe.
L’orage et la pluie se sont ensuite invités pendant 36 heures, ce qui nous a un peu gâché notre expérience « Valgaudemardesque » ! Peu importe, le retour du beau temps autour du Sirac nous fait vite oublier l’épisode humide. Ciel bleu, vent frais et sommets saupoudrés de neige, c’est gaiement que nous nous enfonçons au plus profond du Champsaur, pour atteindre le pied des sources du Drac : torrent qui se jette dans l’Isère à Grenoble. Nous faisons halte ici, au refuge du Pré de Chaumette... espace et pente idéale pour une bonne sieste au soleil... Nouvelle surprise: un concert ce soir. Quelle aubaine ! Les Poissons Voyageurs mettent le « feu au refuge ».
Depuis le lac de Lauvitel, nous avons emprunté quelques sections du GR54 du Tour de l’Oisans et c’est ici, au Pré de Chaumette, que nous le quittons définitivement pour aller chercher le très sauvage et oublié col de Prelles (2807m). Nous sommes début août et le gardien m’annonce que nous sommes les premiers de la saison à passer dans ce sens. Et seulement une dizaine de personnes pour tout l’été ont franchi le col en sens inverse. Impressionnant !
Il est vrai que l’itinéraire dans la deuxième partie de la montée devient coriace : une vague trace à flanc d’éboulis nous guide au pied du ressaut rocheux où se trouve le passage à ne pas rater. La concentration est de rigueur.
Quelques taches de peinture aidant, quelques vagues zigzags dans la pente terminale bien raide (où bien sûr un névé tardif vient nous em.... ), et nous voici au col, exultant comme des gamins ayant joué un bon tour.
Il nous a fallu quatre heures depuis le refuge pour déboucher ici ; le lumineux lac des Estaris en contrebas nous promet une escale pique-nique grand luxe.
Fleurtant avec l’extrémité de la station d’Orcière Merlette (chère aux marseillais), le lac attire bien sûr plus de monde que le sombre côté nord du col de Prelles. Mais cela ne gâche pas notre plaisir. Reposés, nous quittons le lac pour atteindre rapidement le col de Freissinière et entamer une longue descente dans la vallée du même nom. Nous retrouvons la quiétude des itinéraires peu fréquentés... sauf par quelques inquiétants patous protégeant les troupeaux de brebis.
Nous passons ce dernier soir en refuge chez Sarah et Paul, de bons amis à moi. Leur accueil est chaleureux, le site remarquable : nous dormons en gîte dans l’ancienne école du village de Dormillouse. Village non accessible en voiture, situé à l’intérieur du parc national des Écrins, mais pourtant habité toute l’année à tour de rôle par les quelques propriétaires de chalets et fermes du village.
Il ne nous reste qu’une étape, mais d’envergure, pour terminer ce parcours. Par des sentiers un peu abandonnés, qu’il faut parfois chercher, l’itinéraire suit pendant quelques heures un tracé en balcon dans un paysage grandiose de falaises ; un petit air du canyon d’Ordesa.... Nous approchons du but. Le Queyras est maintenant voisin, le sommet du Pelvoux (3943m) suffisamment proche pour montrer ses glaciers ; la vallée de la Durance nous attend 1000m plus bas.
C’est précisément à l’Argentière la Bessée (anciennes mines d’argent) que la randonnée s’arrête.
Heureux d’avoir tous tenu le rythme et la difficulté du parcours, nous prenons un verre amplement mérité. Enfin, dix minutes de train nous transportent à Briançon, étape finale du séjour.
Beaucoup de départs matinaux sont prévus le lendemain : c’est donc ce soir après le dîner que se font les au-revoir. C’est avec émotion que l’on se quitte, conscients d’avoir vécu une randonnée peu commune.
Merci, ce n’est qu’un au-revoir !
Je remercie sincèrement le groupe de m’avoir fait confiance sur un tel itinéraire et de m’avoir suivi dans cette idée un peu extravagante. Une belle solidarité, une cohésion sans faille et une bonne humeur constante de tous m’ont permis d’être serein dans mon rôle de guide.
Merci Françoise, Corinne, Carole, Stéphane, Frédéric, Guillaume, Etienne et Thierry.
Merci Laura, assistante chef de produit chez Grand Angle et accompagnatrice en montagne stagiaire, de nous avoir accompagnés de la Danchère à Valjouffrey. Tu as tout de suite trouvé ta place dans le groupe et tu as fait l’unanimité.
Merci Grand Angle d’avoir épaulé mon projet, merci pour cette collaboration et cette confiance mutuelles qui perdurent au fil des années.
Vous prévoyez une aventure en randonnée guidée sur la GTA (Grande Traversée des Alpes) ou sur cet itinéraire de Grenoble à Briançon ?
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Crédit texte et photos © Raymond Chabanier
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Écrit le 24/11/2021 par :
Raymond Chabanier
Accompagnateur en montagne et pilote !