Genèse d’un rêve
Dieu sait que je l’avais rêvé, année après année, ce voyage à vélo le long des côtes allemandes de la Baltique… A l’origine ? Une nostalgie heureuse de la mer du Nord, et des questions d’enfant restées sans réponse : plus haut, vers le Nord, est-ce que le sable est encore plus fin, la mer plus ardoise et les dunes plus sauvages ? Les récits émerveillés de collègues croisés lors de salons pro : la lumière, le sable blanc, les réserves naturelles, les oiseaux migrateurs. Enfin, quelques souvenirs de cours d’histoire avec de drôles de noms juste cités mais jamais racontés : la puissante Hanse germanique, les riches villes hanséatiques.
La mise au point de la gamme Grand Angle à vélo le long de la Baltique, mes voyages d’étude et mes nombreuses recherches sur la région n’ont fait que conforter mon rêve : une région aussi riche sur le plan nature, culture et histoire ne peut bien se découvrir qu’au rythme du vélo.
Concrétisation du rêve et organisation
La région, notamment l’île de Rügen, est réputée pour son exceptionnel ensoleillement. Ce sera donc un périple au mois de juin 2022, pour profiter des interminables journées.
L’itinéraire ? Arrivée en voiture à Lübeck, puis départ à vélo en longeant au mieux la côte ; en passant bien sûr par la presqu’île de Fischland-Darß-Zingst, l’île de Rügen et celle d’Usedom, jusqu’à la frontière polonaise. Le retour en train sur Lübeck n’était pas si pratique que cela. A bien regarder la carte, on s’aperçoit que Berlin n’est pas très loin, et le train facile de la frontière polonaise jusqu’à Berlin. Quant à la liaison Rostock – Lübeck, elle aussi est facile. Il n’en fallait pas plus pour décider de compléter notre approche de la Baltique par l’itinéraire Berlin – Rostock (partie allemande de la mythique eurovéloroute Berlin - Copenhague), avec bien sûr un petit stop à Berlin. L’itinéraire correspond grosso-modo aux voyages Grand Angle de Lubeck à Stralsund et de Berlin à Rostock.
Côté organisation, mon compagnon et moi adorons partir le nez au vent avec un bagage minimaliste, sans rien réserver… Une formule à oublier sur la Baltique, car c’est la côte d’Azur des Allemands. Même en juin, les hébergements sont « blindés » et les prix proches de ceux de notre Riviera. Il faut donc réserver à l’avance, quelle que soit la période de voyage. Quant à la partie Berlin – Rostock, on se trouve confronté à la rareté des hébergements. (Cela explique d’ailleurs pourquoi Grand Angle annonce des alternatives parfois assez éloignées les unes des autres pour la fin d’une étape).
La réalité d’un rêve
Plus belle et plus riche qu’espéré, assez différente, avec le bonheur de l’inattendu dans bien des endroits. Et puis rassurez-vous, la « Riviera balte » n’est jamais surpeuplée !
Quelques bémols ? Faire un voyage à deux implique des compromis. Que celui-ci corresponde à la réalisation d’un rêve ne faisait pour autant pas exception à la règle. Mon compagnon n’a pas comme moi la passion des étendues infinies de sable et de mer, l’affût près d’une roselière connait ses limites, sa curiosité pour chaque détour d’une côte est très inférieure à la mienne. Nous ne nous attendions pas non plus à une telle variété de paysages, à de si nombreux petits ports, à des stations balnéaires si coquettes et si animées. Et puis, il faut l’avouer, nous avons été vernis par le temps. Rien ne nous poussait donc à rejoindre au plus vite l’étape du jour. Alors, côté découpage, nous aurions aimé parfois des étapes plus courtes, ou deux nuits au même endroit, pour mieux « déguster » le voyage. C’est surtout vrai sur l’île de Rügen, mais aussi d’Usedom.
1ère partie: la Baltique
Impressions de voyage sur la côte balte…
Un voyage ; j’ai fait un voyage loin, très loin, dans un monde inconnu, pourtant à notre porte.
J’ai adoré les journées interminables et la luminosité exceptionnelle, forte sans être agressive, le soleil qui pointe sur la mer dès 4h du matin et se couche vers les… je ne sais pas, je dormais déjà ! J’ai été surprise par les paysages souvent très doux, moins âpres et plus verts que je n’imaginais ; la terre se faufile entre un enchevêtrement de grand large et de lagunes, formant îles et presqu’îles découpées. Ici, on prend le bac comme on prend un bus. Lorsqu’on longe une lagune, on croit souvent border les rives d’un grand lac ; d’ailleurs, elles en ont la végétation, avec beaucoup de roselières. L’eau de la lagune est une eau peu saline : le sandre, poisson d’eau douce, s’y est parfaitement adapté. Côté large, ce sont des plages de sable infiniment fin et blanc, à perte de vue. Il est fréquent de pouvoir se balader côté mer, et quelques pas plus loin, côté lagon. Nombre de stations sont ainsi « traversantes » ; comme les cormorans, à nous de décider de quel côté prendre le soleil. Parfois, et notamment sur l’île de Rügen, la terre s’élève un peu, et la mer a taillé de grandes falaises blanches ; au pied, la plage. Des accès y sont aménagés ; il faut descendre un nombre incalculable de marches pour atteindre le Graal : une plage immaculée. De loin, le coup d’œil est superbe : vert franc des forêts de hêtres ou des champs, verticale blanche et liséré immaculé, bleu outremer (ou ardoise, selon le temps !). Pourtant, je préfère les doux cordons de dunes et leurs belles herbes vert amande.
Je ne m’attendais pas à trouver un pays aussi agricole. Beaucoup de champs de colza et de blé ; à cette époque de la maturation, c’est un camaïeu de verts et de blonds, ponctué des notes vives des coquelicots, marguerites et bleuets qui bordent les champs. Cette large bande champêtre de presqu’un mètre tout au long des champs est une contribution à la préservation de l’environnement.
Les couleurs, les couleurs lavées de la Baltique : pas de couleurs vives à part les briques et les coquelicots, les coques des bateaux. Le vert amande des champs et des plantes marines, le grège du bois flotté, le rose des innombrables églantines, le blanc blond du sable, le bleu gris de la mer, bleu layette quand il fait beau, l'acier des nuages, le pastel des façades rococos…
Les ports du nord, bateaux de pêche, voiliers ou bateaux à moteur, échoppes bon marché : une ambiance qui évoque les chansons de Brel. Et partout, une atmosphère bon enfant.
J’ai flashé sur l’île d’Usedom, encore plus que sur celle de Rügen, probablement aussi parce que j’en avais moins d’attente.
Un article du Figaro du 30/08/2019 donne bien le ton : « Sable fin, eaux calmes, soleil au zénith… L’île d’Usedom (445 km²) […] a des airs de Riviera. Un brin désuète, mais charmante. Encore empreinte de l’esprit de l’ex-Allemagne de l’Est, il y flotte un parfum de nostalgie. Rares sont les touristes étrangers à s’y aventurer, et ceux qui l’osent avouent éprouver un sentiment étrange de terra incognita. » C’est une île complètement entre terre et mer, avec un immense lagon très calme, une mer qui sent le large, bordée de plages somptueuses, des stations balnéaires à l’architecture un peu rétro, toutes plus coquettes les unes que les autres, une fréquentation impressionnante et bon enfant, de grandes forêts de pins comme sur notre côte Atlantique, des vélos partout, sur des pistes cyclables géniales.
Quelques bâtiments rappellent le passé communiste (comme notre hôtel à Zempin)… il semble loin. Ahlbeck, la dernière station avant la frontière, est complètement bilingue : les familles polonaises viennent y passer la journée.
Quant à la mer, peu profonde, elle était délicieusement chaude.
Les deux nuits passées dans l’une des stations impériales (pour nous, c’était à Zempin) permettent de poursuivre jusqu’à la frontière polonaise… ou un peu plus loin. A faire en aller-retour ou, mieux : aller à vélo, retour en train. Cela vous permet de profiter en plus de la plage, de vous balader sur les promenades ou la jetée, etc.
Île de Rügen, la séductrice
C’est la plus grande île d’Allemagne ; elle présente un ensoleillement exceptionnel pour le pays, et un climat privilégié. Elle se situe juste en face de Stralsund ; on les relie soit par un bac, soit par un pont. Les voitures passent sur le Rügenbrücke, impressionnant pont réservé aux véhicules. Celui-ci était fermé lors de notre périple. Piétons et vélos empruntent la Rügendamm, très sécurisée et beaucoup plus basse. Si vous faites complètement le tour de l’île, vous pouvez passer par le bac à l’aller ; il vous déposera directement à Altefähr et vous évitera quelques km pas passionnants ; vous reviendrez sur Stralsund par a Rügendamm qui vous conduit directement en centre-ville. Les pistes sur Rügen ne sont pas toutes si roulantes que ça, et il faut se méfier car, pour peu que le vent souffle de face, une étape peut s’avérer plus longue que vous n’aviez prévu. J’ai été surprise et séduite par la diversité de l’île. La partie ouest est toute calme et protégée par son lagon, rurale et sereine, avec ses champs, ses villages et ses petits ports tranquilles, ses chemins creux et ses marais.
Côté nord et est, on aborde le parc national de Jasmund, ses falaises blanches et sa forêt de hêtres de plus de 700 ans classée à l’Unesco ; plus au sud, les très chics stations balnéaires et leurs somptueuses plages.
Entre les deux, l’étrange et saisissant « colosse de Prora », en pleine réhabilitation et en passe de devenir une destination chic. L’île mériterait de doubler certaines nuits pour associer la randonnée au vélo : comme sur la côte bretonne, certains sites ne se découvrent bien qu’à pied. On peut aussi parfois tricher, comme nous, en faisant partiellement une étape en train : nous voulions absolument tester le « Rasender Roland », ce petit train à vapeur trop typique qui relie entre elles les stations de l’ouest de l’île.
Au nord de la station de Binz, Prora. A découvrir sur place, vous ne pouvez même pas imaginer : le long d’une baie magique, d’immenses barres d’immeubles bétonnés, certains réhabilités, d’autres encore en déshérence. A première vue, monstrueux. Et pourtant… il y a de l’animation, notamment avec la plus grande auberge de jeunesse d’Europe, et certains immeubles semblent flambant neufs. Il faut dire que côté plage et mer, le coup d’œil est fabuleux. Mais qu’est-ce que c’est ? C’est la moitié existante d’un projet conçu par Hitler, qui voulait construire, sur 4,7km de long, un complexe hôtelier pouvant accueillir 20.000 personnes ; ouvriers qui seraient venus trouver ici « la force par la joie ». Démarrés en 1936, les travaux ont été stoppés par la guerre et n’ont jamais accueillis de vacanciers… En 1994, le « colosse » est classé monument historique et, en 2010, la réhabilitation commence. Le coût en est prohibitif, mais le succès est là.
Exceptionnels : les innombrables Strandkorb
Ces drôles de corbeilles parsèment et égaient chaque plage ; mes préférées : celles qui sont bleu et blanc ; elles s’accordent bien avec le paysage. Une Strandkorb, c’est, littéralement, une corbeille de plage. C’est un immense fauteuil en osier où l’on peut confortablement s’installer à 2 bien à l’abri du vent ; on peut y ranger ses petites affaires, s’y faire des bisous, grignoter un Brot… On pourrait dire que c’est à mi-chemin entre le transat et la cabine de plage. Le mieux pour se faire une idée, c’est de regarder les photos ! On les loue à la journée ou à la demi-journée, et ça n’est vraiment pas cher. Aux accès des plages, on repère les « Madames Strandkorb », de plus en plus remplacées par des systèmes de réservation par internet.
Superbes aussi, et uniques, sont les superstructures en bois construites sur les jetées, et qui font café-restaurant.
Au pays du hareng
Une odeur de fraise tagada et des drôles de cubes rouges
A quelques reprises, une odeur de fraise tagada a croisé notre route : juste à côté, un immense champ de fraises cultivées en pleine terre. Si les fruits sont rares vers la Baltique, il semble que la culture de la fraise se porte bien ; les fruits sont d’ailleurs excellents. Et ce n’est pas une exception de l’année 2022 : un peu partout, sur les places des villes ou aux gares, se dressent d’étonnants cubes aux angles arrondis, tout rouges, décorés en fraise : ce sont des boutiques qui vendent exclusivement des fraises ; une pause grignotage succulente et décomplexée pour le train !
Une mer pas comme les autres
Drôles d’idées toutes faites sur la mer Baltique ! Enfant, j’ai fréquenté la mer du Nord ; j’en gardais le souvenir d’une mer souvent froide, toujours en mouvement, au goût salé, aux marées bien marquées. J’ai découvert une mer Baltique souvent chaude car peu profonde, très peu salée, aux marées presqu’inexistantes. N’hésitez donc pas, si l’occasion se présente, à piquer une tête en cours de route : même si la plage ne dispose pas de douche, vous ne serez pas incommodé par le sel pour poursuivre votre chemin. C’est vrai, dès que le vent souffle fort (c’est malgré tout fréquent), l’eau se refroidit. Mais tombe le vent, la mer devient étale et chauffe à toute vitesse. Nager en pleine mer dans une eau presque douce devient un pur bonheur. Sur l’île d’Usedom, j’ai même pu me baigner nue : tant que la plage n’est pas complètement envahie par les familles, ça ne gêne personne. Un bain du matin idyllique !
Inoubliables sont les villes hanséatiques
Lübeck, Wismar et Stralsund (classées au patrimoine mondial par l’Unesco), mais aussi Rostock et Greifswald, présentent une architecture superbe, toujours la même, plus ou moins riche selon la position économique et politique de la ville à l’époque de la Hanse ; toujours les briques rouges : le « Gothique brique », et des cathédrales monumentales, tout en brique. On pourrait passer des heures à admirer chaque détail.
Les places, tout particulièrement, sont immenses et somptueuses. Prendre son temps à la terrasse d’un café, sans rien faire d’autre que de regarder les façades se modifier avec la lumière descendante… Faire un tour en bateau-mouche pour mieux appréhender la géographie de la ville, et en admirer tous les monuments, avec le recul visuel nécessaire.
J’ai tout particulièrement aimé Stralsund, car, outre sa beauté intrinsèque, elle est très gaie et bon enfant, située directement sur la mer, ce qui n’est pas le cas des autres, à part Wismar. On a les deux aspects : le port et la ville médiévale. Mais toutes sont belles et différentes : Lübeck est d’une beauté et d’une richesse exceptionnelles, avec ses deux tours version château-fort qui penchent, sa place à couper le souffle, ses dorures sur les monuments de briques.
Wismar a été un coup de cœur, bien plus petite que les autres, industrieuse et ouvrière, complètement tournée vers le port, avec cependant une vieille ville somptueuse.
A Greifswald, universitaire, petite et charmante, il faut suivre la rivière qui mène jusqu’au port de Wieck et passer sur le pont ouvrant.
Si Rostock dispose d’une très belle et vaste place bien conservée, j’avoue avoir été un peu déçue par la ville, qui a souffert de la guerre.
2ème partie : de Berlin à Rostock
Un itinéraire qui vous prend au cœur
C’est un voyage très complémentaire, et qui s’inscrit parfaitement dans la découverte de la Baltique. Seul, cet itinéraire peut paraître un peu réducteur. Tel un met qui ne développe toute sa saveur qu’en présence d’un autre, il lui faut l’ajout des côtes de la Baltique pour vraiment l’apprécier, que ce soit en continuant l’itinéraire jusqu’à Copenhague (le plus fréquent) ou en le combinant avec la côte balte allemande. Intimiste, immense, grandiose, serein, nature, beau, surprenant, attachant… sont les qualificatifs qui m’arrivent spontanément pour caractériser ce voyage dont je garde un souvenir affectif très fort.
Vous traversez d’immenses étendues sans personne ou presque, quelques petits villages et villes, pas toujours très animés : rien à voir avec l’effervescence de la côte ; même lorsque l’on aborde les grands lacs, pourtant bien fréquentés. Il nous arrive de rouler des km à travers forêts et campagne sans croiser personne. L’itinéraire est très roulant, plus que sur la côte, c’est très agréable et ça fait passer des étapes qui auraient pu paraître parfois monotones ; c’est ici que nous avons roulé presqu’en solitaires sur de larges « Fahrradstraße » : une sensation géniale. Cette vaste région peu peuplée (l’une des plus faibles densités en Allemagne) compte plusieurs parcs et réserves naturelles, et cela se comprend.
Les arbres sont vos compagnons de ce voyage.
Rivières et canaux nous accompagneront une bonne partie de l’itinéraire, notamment la Havel. C’est une charmante et paisible petite rivière, aux innombrables méandres, ici appelée « Schnelle Havel » : rapide… le qualificatif est osé !
S’ajoutent, au nord de Zehdenick, toute une série de lacs artificiels : au 19ème siècle, cette région était le plus grand bassin de production de briques en Europe. Il en a fallu, de l’argile !... et cela en a fait, des trous… comblés par les eaux… ou comment transformer un paysage. Rassurez-vous, la nature a bien géré, et c’est devenu beau et sauvage. N’hésitez pas à visiter le musée, juste après Zehdenick.
Enfin, la partie la plus réputée : le Müritz, le Plateau des lacs mecklenbourgeois et le parc national de Müritz. C’est une région entre terre et eau douce, partout, partout. Et, le plus étonnant, c’est qu’on ne s’en aperçoit pas toujours : il faut une échappée, un détour, pour prendre conscience de cet étonnant dédale aquatique. Les rives des grands lacs, notamment le lac Müritz, le plus grand d’Allemagne après le lac de Constance, sont fabuleuses.
Ici, nous retrouvons nos ports et nos stations chics, étrange contraste en regard de l’itinéraire presque désert parcouru dans la journée. Sortez vos maillots de bain, l’eau est délicieuse et l’on peut se baigner presque partout, l’ambiance autour des lacs est familiale et bon enfant. Enfin, l’arrivée à Rostock renoue avec l’atmosphère maritime.
Rencontres tranquilles à poils et à plumes
J’ai aimé croiser presque quotidiennement lièvres et biches sur la piste ou dans les champs, visiblement plutôt paisibles et confiants. Nous n’étions pas en période migratoire (une région réputée, notamment pour les grues cendrées), et pourtant, nous avons pu admirer des troupeaux d’oies sauvages et des grues cendrées. Nous n’avions encore jamais vu cet oiseau : il est très impressionnant, et semble énorme. Sinon, les compagnons classiques dans ce genre de voyage étaient bien tous présents à l’appel : grenouilles, poules d’eau, hérons cendrés, buses, cygnes, etc…
La mémoire
Difficile de parler des camps de concentration ; ça dénote dans le paysage d’un voyage touristique. Mais le voyage à vélo est aussi un voyage en Histoire. Ici, vous n’êtes plus hors contexte ; que vous les visitiez ou non, côtoyer ces camps dans leur environnement vous les rend bien réels ; vous serez remué. Deux premières étapes, deux camps de concentration : Oranienburg-Sachsenhausen et Ravensbrück, au sortir de Fürstenberg. Leur visite est gratuite pour les scolaires ; nous en avons croisé plusieurs cars. La piste longe le camp de Ravensbrück, dans un cadre naturel idyllique...
Ma plus belle étape : de Neustrelitz à Warren/Müritz ; d’un lac à l’autre, les deux, sublimes et à l’ambiance estivale ; la traversée sauvage du parc national ; l’observation de grues cendrées ; un itinéraire désert ; une rencontre chaleureuse dans un village…
Berlin
Nous avons passé 3 nuits à Berlin. La ville mérite vraiment un séjour prolongé ou plusieurs séjours ! Berlin est large, aérée et dispose dans son centre de vastes espaces verts, comme le vaste Tiergarten. Située au confluent de deux rivières, la Spree et la Havel, la ville offre de nombreuses rives bien agréables.
Berlin est complètement organisée pour les déplacements à vélo ; n’y en aurait-il pas plus que de voitures ? Dès qu’il fait beau, il est bien plus agréable de se déplacer à vélo plutôt qu’en métro. De larges pistes sont réservées aux cyclistes, et les itinéraires touristiques sont parfaitement balisés : pas besoin de se balader le nez sur un plan.
La ville est large ; l’Histoire fait qu’une partie du centre-ville est ultra-moderne, superbement intégrée aux bâtiments plus anciens ; ici, la reconstruction s’est appuyée sur des architectes remarquables.
Que faire en deux jours ? Une journée à vélo vers les principaux sites de Berlin Mitte : la porte de Brandebourg, la Potsdamer Platz, le Reichstag, le Hansaviertel, etc… un petit tour à Checkpoint Charlie et son musée.
En soirée, nous sommes allés à pied à l’East Side Gallery : 1,3km de Mur, peint par des artistes du monde entier (dont le fameux baiser entre Brejnev et Honecker), galerie en plein air en libre accès.
Le lendemain, lundi, l’île aux musées était au programme… bêtement, nous n’avions pas « capté » que c’est le jour de fermeture des musées en Allemagne. La visite s’est transformée en balade à pied sous la pluie (le seul jour de pluie de notre voyage !), visite du Berliner Dom et balade en bateau-mouche (très sympa). Bon, il faudra revenir pour aller vers le château du Sans-Souci, rouler sur l’aéroport désaffecté de Tempelhof, suivre les traces du Mur, etc…
C’est Beaubourg, ou quoi ? Mais qu’est-ce que c’est ? Vous ne les verrez nulle part ailleurs. La ville est parcourue d’énormes tuyaux aériens enchevêtrés qui sortent du sol, un peu comme ceux de Beaubourg, mais en bleu, rose ou mauve : 60km en tout ! De quoi être intrigué. En fait, Berlin est construite sur une nappe phréatique qui n’est qu’à 2m sous le sol. Les tuyaux sont là depuis plus d’un siècle pour pomper l’eau et la rejeter dans les cours d’eau, drainant ainsi le sous-sol de la ville. Pourquoi ces couleurs ? Prescription d’un psychologue ; c’est parait-il bon pour le moral !
Les gares : comme partout en Allemagne, les gares sont parfaitement aménagées pour les vélos. Néanmoins, vérifiez bien votre itinéraire. Privilégiez quand vous le pouvez la gare de Berlin Potsdamer Platz Bahnhof (pour aller à Oranienburg, par exemple) plutôt que celle de Berlin Hauptbahnhof : elle est ultra-moderne, plus petite et beaucoup moins fréquentée. Ce sera plus facile pour vous.
Vous pouvez également retrouver l’article complet de Julie et David, qui ont passé 3 jours à Berlin.
Et pour l’ensemble du voyage…
A faire pâlir d’envie les cyclotouristes français…
… la culture vélo dans la région, qui se traduit par un réseau dense de pistes cyclables, des parkings à vélo, un accès hyper facile aux trains.
La piste est souvent très près de la côte ; lorsqu’elle s’en éloigne, il n’est pas rare d’avoir de beaux points de vue sur la mer. Suivre la côte au plus près ne signifie pas pour autant « vue sur mer » permanente. La piste est souvent bordée d’une belle haie, à certains endroits, d’une haie de roses : en fleurs à cette saison ; bien sûr, de part en part, des vues et des sorties sur la mer. Les haies, ça n’est pas mal : la Baltique est un pays venté ; qui plus est, elles abritent une multitude d’oiseaux qui chantent et vous passent sous le nez.
Rares furent les endroits où la circulation nous a gênés. Les portions d’itinéraire sur route ont toujours été tranquilles. Le balisage est généralement excellent. Côté revêtements, il y a de tout : du goudron, du chemin de terre ou en dur, des pavés (en granit, en béton - autobloquants ou non), et, autre découverte assez étrange : les pistes en dalles de ciment ; lorsqu’il s’agit de routes secondaires, on a deux dalles de ciment parallèles, juste de l’écartement des roues d’une voiture, et, entre les deux, un espace vierge en herbe ou en gravier. Sur la partie Berlin Rostock, j’ai découvert les « Fahrrad Straße »… nous les traduisions par « autoroutes à vélo » ! C’est un peu exagéré, mais il s’agit de routes parfaitement goudronnées réservées aux vélos, larges comme une jolie route secondaire. Apparemment, ça n’a pas exactement la même signification dans chaque Land, mais ici, c’est géant !
Quant au réseau ferroviaire, il intègre totalement la notion de cyclistes. Cycliste français, oublie tes galères de SNCF ! L’accès aux quais est facile : un ascenseur par quai, et suffisamment vaste pour accueillir 2 ou 3 vélos ; l’accès dans le train ne connait quasiment pas de décrochement entre le wagon et le quai ; des wagons sont spécialement aménagés et équipés pour faire confortablement cohabiter vélos et voyageurs. Je parle ici des trains régionaux. Il y a certainement des exceptions ; je n’en ai pas rencontré. Mon seul bémol : pas toujours évident dans les machines automatiques de trouver le bon chemin pour acheter le billet pour le vélo (toujours payant, même si c’est très bon marché).
C’est tout plat ?
Ahah ! En gros, oui. C’est justement le détail qui tue de temps en temps : on rencontre régulièrement de bons « coups de cul » ; ce qui explique peut-être la multiplication des vélos électriques.
Ce que j'ai moins aimé...
- La passion des Allemands du nord pour les pavés, surtout les pavés « historiques », en granit, ceux qui datent de plusieurs siècles, polis et biscornus. Essayez de prononcer correctement le mot en allemand (Kopfsteinpflaster) : la sonorité s’accorde parfaitement aux vibrations qui remontent de l’estomac jusqu’au crâne quand on y passe à vélo ! On en trouve sur quelques rares portions de l’itinéraire, et pratiquement dans toutes les villes traversées. Dans le 1er cas, on se fait une raison car on sait que c’est court ; en ville, rien ne nous empêche de descendre du vélo. Une seule fois, la portion prévue sur les pavés faisait plus de 20km : nous avons pris le train et nous n’avons rien regretté !
- En partie, la cuisine du nord de l’Allemagne. Je le savais déjà, mais j’en ai eu confirmation : la gastronomie du nord de l’Allemagne existe probablement, mais elle se rencontre rarement au cours de la balade à vélo. Disons que j’ai du mal avec la nourriture grasse, le manque de fruits et légumes frais, et les pommes de terre à tous les repas. Il est vrai, on sert ici des patates comme chez nous le pain, mais c’est une habitude que j’ai du mal à prendre. J’ai mieux mangé sur la partie de Berlin à Rostock, où d’ailleurs, le hareng est moins présent. Le hareng s’accommode de 1000 façons, c’est vrai, mais parmi celles proposées ici, peu sont digestes quand on voyage à vélo…
- Cinq spécialités échappent à mon sévère jugement :
- Je reste indulgente avec les Heringsbrötchen, tellement typiques.
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- Les Rhabarberstreulselkuchen : c’était la pleine saison de la rhubarbe ; j’adore ces gâteaux à la pâte levée recouverte de rhubarbe et parsemée de pâte crumble. Servis tièdes, c’est encore meilleur !
- Le Rhabarberschorle : le Schorle, boisson fréquente en Allemagne, est une boisson particulièrement désaltérante faite pour partie d’eau pétillante, l’autre étant du jus de fruits. Généralement, le Schorle se fait avec du jus de pomme (Apfelschorle). Le Schorle au jus de rhubarbe, c’est drôlement bon, même si certains trichent en utilisant du sirop à la place de jus de fruit : du coup, c’est comme un Diabolo-rhubarbe, mais moins sucré.
- Le Marzipan, ou massepain : cette pâte d’amandes grossièrement broyées est une spécialité de la région. Installez-vous au 1er étage de la boutique Niederegger à Lübeck (depuis 1806 !), dans le salon de thé, et craquez pour l’un des nombreux gâteaux à base de Marzipan. Il ne vous restera plus qu’à éliminer les calories en pédalant sec !
- La bière, bien sûr ! bien qu’à réserver pour la fin de l’étape et, malgré tout, à boire avec modération… sachant qu’ici, la taille normale du verre de bière est le demi-litre.
La grande Histoire
Aujourd’hui, ce voyage traverse le Land du Mecklenbourg – Pomméranie occidentale (côte balte, plus un chouïa de Schlesswig Holstein au niveau de Lübeck) ; pour le voyage Berlin – Rostock, il faut ajouter ceux du Brandebourg et de Berlin.
L’Allemagne est une fédération d’Etats, et l’on s’en aperçoit bien quand on remonte le fil de l’Histoire. A chacun la sienne, jusqu’à l’unification par Bismarck en 1871. Ça n’est pas si vieux que cela. En parlant d’unification, on est ici dans l’ex RDA. On en garde quelques traces, de plus en plus recyclées et intégrées ; c’est parfois surprenant : Prora, des stèles commémoratives russes, le siège d’un syndicat, architecture typique au cœur d’une place médiévale...
Au temps du Mur, environ 6500 allemands de l’Est ont tenté de s’enfuir par la Baltique, la voie la plus directe… Pour en revenir à Bismarck, on est ici en bonne partie chez lui, dans l’ancien royaume de Prusse ou sur des territoires contrôlés. Attention, attention, une autre partie du territoire, comme l’île de Rügen, restera longtemps sous domination danoise ou suédoise, ce qui explique certains noms de lieu pas du tout germaniques. Quant au duché du Mecklenbourg, son histoire aussi est mouvementée et compliquée. Sans oublier que la Hanse germanique, entre le 12ème et le 17ème siècle, a joué un rôle européen important, tant sur le plan commercial que politique.
Comme je ne suis pas historienne, je vous laisse vous documenter ; c’est passionnant mais un brin compliqué. Pour l’histoire proche, c’est plus facile mais beaucoup plus poignant, et cela rend encore plus attachante cette superbe région.
Conclusion
Encore ! même si c’est loin.
Nos voyages à vélo sur la côte Baltique allemande
Ce récit vous a inspiré? De nombreuses possibilités s'offrent à vous si vous souhaitez découvrir à votre tour la côte Baltique allemande à vélo en suivant l'eurovélo 10:
- De Lübeck à Stralsund en 8j, ou en version vélo et bateau
- De Lübeck à l'île de Rügen en 12j, ou jusqu'à Usedom en 14j
- Les îles de Rügen et d'Usedom uniquement (également possible à pied)
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Écrit le 03/03/2023 par :
Anne-Marie Billault