Les Cyclades. Un sac d’îles ramassées dans les eaux venteuses de la mer Égée. Les Grecs anciens, qui n’utilisaient pas encore de drones de reconnaissance aérienne, les voyaient former un cercle autour de l’île sacrée de Délos, lieu de naissance mythique d’Apollon et d’Artémis. Ils les nommèrent Cyclades de κύκλος (Kiklos), le cercle. Il est étrange de constater que même situées à faible distance les unes des autres, ces îles sont fort différentes. Comme des prises légendaires cueillies dans un filet qu’un dieu farceur aurait jeté des rives de l’Attique, elles avaient tout pour inspirer la mythologie en se dédiant chacune à la tutelle d’un dieu ou d’un personnage fabuleux.
Mais que sont-elles à l’origine ? Rien d’autre que les sommets émergés de plis nés dans le grand chambardement tectonique qui a vu pousser les Alpes mais aussi les grandes formations anatoliennes ou himalayennes. Ces îles sont donc des montagnes qui prennent appui sur le fond de la mer plutôt que sur le continent. Beaucoup oublient que 80% du territoire grec est en zone de montagne (30% pour la France).
Ajoutez à cela les quelques cent îles grecques habitées de façon permanente, et les enjeux d’aménagement du territoire apparaissent de façon infiniment plus complexe que pour un hexagone aux vastes plaines. Quand 10 à 11 millions de Grecs – dont la partie la plus riche ne paie guère l’impôt – doivent financer les politiques routières ou entretenir la noria des ferries qui desservent les îles, la question de la crise économique se pose avec d’autant plus d’acuité !
Depuis des années, Grand Angle a su imposer son expertise dans l’organisation de séjours sur les îles grecques, notamment les Cyclades, que ce soit pour les randonnées guidées ou liberté. Notre profonde connaissance du terrain alliée à notre passion pour les paysages et pour une population chaleureuse aux traditions ancestrales toujours vivaces, nous poussent à découvrir et proposer de nouvelles destinations.
Parmi les derniers séjours mis sur pied, les deux îles les plus septentrionales des Cyclades, Andros et Tinos, qui prolongent la très longue île d’Eubée avant la célèbre Mykonos.
Rallier Andros et Tinos se fait à partir du port de Rafina, à une demi-heure de transfert de l’aéroport d’Athènes. C’est une localité qui résonne du cri des vendeurs de tickets à chaque départ de ferry. Les voix se mêlent sur les mêmes refrains : « Andros ! Tinos ! Mykonos ». Puis dès les ferries partis, le silence retombe.
Au petit jour, le navire se remplit d’une foule disparate qui rassemble touristes, iliens de retour chez eux, pèlerins en route pour Tinos – le Lourdes grec – et quelques jet-setters en route pour Mykonos. Il faut deux heures pour rallier Gavrio, le port d’Andros puis quarante cinq minutes en bus, jusqu’à Chora, la capitale, située dans la partie la plus verdoyante de l’île, au pied de montagnes culminant à 700 ou 800 m, tandis que le sommet de l’île, à peine en retrait de Chora, tutoie les 1000 m.
En Grèce, chaque chef-lieu insulaire porte soit le nom de l’île, soit celui de Chora (χώρα). Andros, « l’île des armateurs » a fait l’objet d’une politique remarquable pour promouvoir la randonnée et la préservation des richesses naturelles et patrimoniales de l’île. Sitôt les bagages posés à l’hôtel, un beau chemin bordé de murs nous monte jusqu’à la localité d’Apikia où les caractéristiques de l’île deviennent patentes : de jolis vallons boisés de platanes d’Orient et de l’eau, beaucoup d’eau, même en fin d’été, au point qu’une source
fait l’objet d’une mise en bouteilles, commercialisée sous la marque Sariza. Suit une belle descente entre vallées et villas,
jusqu’à la plage de Nimborio au pied de la cité de Chora. Surprenante localité que celle-ci. Malgré sa taille modeste (mille six cents habitants) elle a tous les atours d’une capitale. Posée sur une épaule rocheuse qui s’abaisse doucement vers la mer, entièrement piétonne en son centre, elle est belle, singulière et animée, avec son dédale de ruelles blanches
d’allure cycladique, ses opulentes villas de style néoclassique, ses commerces en nombre et son musée archéologique qui recèle des œuvres remarquables comme une sculpture d’Hermès du IIe siècle avant J.C. Plus remarquable encore, le musée d’art contemporain fondé par la famille Goulandri abrite quelques œuvres de renom.
Un beau point de vue sur la ville sera d’ailleurs l’occasion d’une halte, le lendemain, avant qu’un chemin bordé de murets de pierres nous conduise au village de Sineti. A deux cinquante mètres d’altitude, nous sommes déjà en montagne. Impression renforcée au cours de la remontée de la vallée des Moulins
et ses étonnantes constructions qui s’égrènent le long de canaux de pierres aujourd’hui à sec, mais qui témoignent de la richesse en eau de l’île et de la volonté des habitants d’en utiliser la force motrice au cours des siècles passés. Au faite de la montée, il reste encore la possibilité d’accéder aux ruines du fort vénitien d’Epano Kastro perché sur un plateau élevé avant la descente jusqu’aux plages d’Ormos Korthiou.
L’ambiance montagne sera encore au rendez-vous lors de l’étape suivante, après une tranquille remontée de hameau en hameau jusqu’à l’arrivée au monastère imposant de Moni Panachrandou
pour un tour d’horizon spectaculaire des vallées qui convergent vers Chora. La descente côtoie certains des murs les plus remarquables de l’île, qu’une politique volontariste a réhabilités dans un vaste projet d’ouverture des chemins traditionnels aux randonneurs.
Après une heure et demie de traversée en ferry, l’arrivée grouillante au port du Chora de Tinos a de quoi surprendre. D’abord, il y a la capitale populeuse. À ses 4000 habitants s’ajoutent un nombre de touristes important. Mais ici, pas de jeunesse en goguette comme sur l’île voisine de Mykonos. Tinos, c’est le « Lourdes » des Grecs. C’est l’histoire d’une icône miraculeuse de l’annonciation de la Vierge, trouvée sous terre grâce aux visions d’une none du monastère de Kechrovounio,
Sainte Pélagie, et qui a suscité la construction d’une imposante basilique au sommet d’une avenue. Certains pèlerins s’y rendent à genoux pour expier leurs fautes.
Mais Tinos, ce sont bien d’autres trésors, notamment les villages. On s’en rend vite compte lorsqu’à l’issue d’un transfert sur les hauteurs de l’île, on découvre celui, éclatant de blancheur, de Volax
dans un environnement extraordinaire de boules de granite, tout près du piton de Xobourgo – aujourd’hui dédié à l’escalade – qui fut le premier site occupé de l’île. Au cours de la randonnée, les pigeonniers
viennent rivaliser en nombre avec les chapelles et d’anciens moulins à vent, alors que nous passons par Ktikados, joli village perché avant la descente sur les belles plages de Kionia.
Tinos et sa géologie, on n’en sortira pas d’ailleurs. Du village de Kardiani, la remontée sur l’épaule schisteuse de Polemou Kambos, face à d’anciennes carrières de marbre, nous gratifie de vues prodigieuses sur Syros
avant l’arrivée au superbe bourg de Pyrgos dédié au marbre. Il abrite un remarquable musée qui est consacré à sa formation, son extraction et son histoire. Puis on se faufile entre murets et moulins à vent pour finir à Panormos, l’une des rares localités de l’île installées en bord de mer.
Il reste à profiter de la ville et – pourquoi pas ? – s’offrir une des spécialités de Tinos comme la fourtalia, omelette aux tomates et à la saucisse traditionnelle de l’île
avant d’embarquer pour Le Pirée pour une dernière nuit à Athènes.
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Écrit le 22/11/2019 par :
François Ribard